“La joie tempère le tragique de l’existence.” Gilles Deleuze
Le billet d’humeur
J’ai regardé ce film deux fois. Une fois seule, une fois avec mes enfants. Il m’a émue aux larmes, non seulement parce que par ces temps de mauvaises nouvelles, l’énergie de la jeunesse fait du bien, mais aussi parce que ces jeunes ont l’engagement joyeux.
Dans le dernier film de la réalisatrice et écrivaine Flore Vasseur, Bigger than Us, il est question d’engagement social et écologique de jeunes femmes et de jeunes hommes de part le monde qui se battent chacun pour un enjeu auquel ils ont été confrontés directement : pour Melati Wijsen, c’est la lutte contre la prolifération des déchets, envers du décor paradisiaque de Bali en Indonésie ; Mohamad Al Jounde a créé une école pour les enfants déscolarisés dans les camps de réfugiés au Liban ; Memory Banda au Malawi s’est, quant à elle, battue pour faire passer une loi relevant l’âge du mariage des jeunes filles à 18 ans… mais il est aussi question de justice environnementale, d’accueil des réfugiés et de liberté d’expression. Ces jeunes dégagent une énergie qui crève l’écran.
« La joie tempère le tragique de l’existence », dit Gilles Deleuze dans son Abécédaire. « La joie, c’est tout ce qui consiste à remplir une puissance. Vous ressentez de la joie lorsque vous effectuez l’une de vos puissances », poursuit-il en s’inspirant de la conception de la joie chez Spinoza. La joie, ce serait le sentiment qui résulte de l’actualisation de l’un de nos potentiels, pourrait-on aussi dire, le sentiment de se réjouir d’être, non pas dans un plaisir narcissique, de contentement de soi, mais dans le plaisir d’accomplir quelque chose qui nous dépasse.
C’est ce qui se passe avec les jeunes du film. Il me semble que c’est leur engagement – littéralement la mise en gage de soi, le don de soi – qui leur permet d’actualiser leur potentiel (même si ce n’est pas cela qui motive l’action au départ) et qu’il en résulte de la joie. L’engagement, c’est l’envie de traduire une idée, une parole dans le monde, par son action. Pour les philosophes existentialistes comme Jean-Paul Sartre, c’est même par l’engagement que nous devenons nous-mêmes. C’est tout le sens de sa formule bien connue : « L‘existence précède l’essence. » Il n’y a pas de nature d’être humain qui nous précéderait, il n’y a que des actes qui nous façonnent en tant qu’être humain.
Quelle personne a-t-on envie d’être ? A quel monde a-t-on envie de contribuer ? Ce pourrait être les deux questions que nous posent l’engagement. La joie, c’est le sentiment qui accompagne le fait de devenir cette personne, de mener une action qui change (un tout petit peu) l’ordre des choses. Si le monde est encore là, disait une de mes grand-tantes, c’est parce qu’il y a plus de joie que de tristesse dans le monde. Charge à chacun d’entre nous de la cultiver !
Flora Bernard
L’actu
Les organisations doivent plus que jamais se repenser à la lumière des différents enjeux auxquels notre société fait face : l’évolution du rapport au travail, la crise écologique, les fractures sociales grandissantes…
Les petits-déjeuners Thaé sont faits pour découvrir comment la philosophie pratique permet d’appréhender des sujets clefs et complexes de manière participative et accessible.
Rendez-vous le 6 décembre pour notre prochain petit-déjeuner !
Inscription obligatoire auprès de Anne Boisnon.
PhiloPop, la newsletter philosophique qui éclaire l’actualité.
RV tous les mois.