« Nous vous souhaitons d’expérimenter pleinement que le monde vous appartient autant que vous appartenez au monde. »
Les premiers jours d’une nouvelle année sont un peu comme le seuil d’un paysage où l’on se tiendrait et depuis lequel on commencerait à s’avancer. Ce seuil est précédé d’un long voyage. Chacun.e s’y présente avec son lot d’épreuves et de blessures, de rêves et de ressources. Il y a mille manières d’entrer dans le paysage d’une nouvelle année. Avec indifférence ou curiosité, avec appréhension ou sérénité, avec envie ou lassitude, avec reconnaissance ou ressentiment, avec cynisme ou avec espoir… Quels que soient les sentiments qui nous animent et les pensées qui nous habitent, il nous faudra marcher. Chaque jour sera un pas de plus dans la traversée de ce paysage à la fois inconnu et familier.
Traversant cette année comme un paysage, nous vous souhaitons d’expérimenter pleinement que le monde vous appartient autant que vous appartenez au monde. Pour dire cette idée de co-appartenance, le philosophe Maurice Merleau-Ponty utilise la belle expression de chair du monde. Il veut nous rappeler par là que nous ne sommes pas dans le monde mais au monde. Penser, en effet, que nous sommes dans le monde, c’est supposer que le monde est un dedans qui a son dehors et que nous pourrions y entrer et en sortir à notre guise. Comme si nous pouvions nous tenir ailleurs, comme si ce monde était un objet à porter de main. Dire que nous sommes au monde, c’est rappeler notre indépassable appartenance au monde. Nous n’existons que pris dans le tissu charnel du monde.
Cette année, nous vous souhaitons le courage de ne pas fuir cette appartenance et d’explorer les meilleures manières de vous relier aux autres et au vivant pour l’honorer. Accepter que nous sommes au monde, c’est accepter que nous avons à nous accorder sur le réel – nous accorder sur ce qu’il est et nous accorder à lui. Pour cela, il nous faut apprendre à apprendre du vivant, apprendre à critiquer et à nous disputer sans nous abîmer, apprendre à coopérer avec nous-même… Autant de gestes essentiels qui se pratiquent et se transmettent à l’école de la philosophie.
Puisque nous sommes faits de la même chair que le monde, cette année plus que jamais, soyons le monde qui pense, soyons résolument philosophes !
Flora Bernard & Marion Genaivre
© Flora Bernard. Le Banyan plante ses branches dans le sol pour en faire de nouvelles racines.
PhiloPop, le billet d’humeur des philosophes de Thaé.
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